Il est interdit d'interdire
Petit clin d'oeil à mai 68 pour vous raconter ma soirée de mardi. Invitée par la crèche de mon chérubin à une rencontre avec une psychomotricienne, j'ai fait fi de ma crainte de sortir de ce genre de réunion avec le sentiment d'être une maman éternellement à côté de la plaque et j'ai assisté à un débat autour des questions des limites dans la relation parents-enfants.
J'ai pris quelques notes en élève studieuse, soucieuse de répercuter l'information au papa qui m'a envoyé au front mais j'ai oublié mon carnet au boulot alors ce compte-rendu est partiel, sûrement un peu déformé mais vous y trouverez peut-être de quoi nourrir votre réflexion sur l'autorité et la question du non (à moins que pour vous tout soit toujours naturel et comme allant de soi).
Voici quelques idées clef en vrac :
- il faut distinguer les limites, les règles, les repères et les interdits, ces derniers étant réservés à ce qui met en jeu la sécurité, la survie, la santé de l'enfant.
- les limites que chaque famille met à son enfant sont culturelles (par exemple certaines familles accepteront que l'enfant mette les mains dans son assiette alors que pour d'autres ce sera intolérable) et non universelles. Cela signifie aussi qu'il faut savoir résister à la pression sociale et s'affirmer comme parent (par exemple vous l'autorisez à sauter dans les flaques et à se tremper même si les passants vous jettent des regards désapprobateurs car cela ne fait pas partie de vos limites)
- Essayer autant que possible de passer par le oui pour aboutir au non (idée mise en application à la crèche de mon chérubin qui suit la pédagogie d'Emy Pickler). Il s'agit d'ouvrir les possibilités d'action à l'enfant plutôt que de le fermer au monde en lui opposant un non sans rien derrière. Je vous donne un exemple? Un enfant tape un autre enfant. L'adulte intervient en lui disant que cela ne se fait pas (plutôt que tu ne dois pas taper...ici c'est l'enfant qui est mis en question alors que c'est l'acte qu'on condamne) mais qu'il peut taper son doudou, le sol, la table s'il est en colère. L'adulte montre à l'enfant non pas seulement ce qui n'est pas possible mais aussi ce qui l'est pour que ce dernier puisse construire son action.
- les mots caprice et bêtises sont réfutés par l'intervenante car, pour elle, ils n'ont aucun sens pour des enfants de 0 à 3 ans. L'enfant explore, teste (et non "il me teste" comme on l'entend souvent, ce qui suggère qu'il y a une intention malveillante de la part de l'enfant). Soit cela ne nous fait pas forcément plaisir de retrouver le placard de la cuisine entièrement vidé mais c'est une façon pour l'enfant de découvrir le monde. Le terme caprice sous-entend également que l'enfant agit contre nous....il est plutôt à un stade dans lequel il n'est pas encore assez "fini" pour savoir gérer ses émotions, les contrôler et lui dire qu'il fait un caprice c'est selon elle "le renvoyer à sa solitude". Cela ne veut pas dire qu'il faut céder mais qu'il faut accepter que ces crises fassent partie de son développement quitte à lui demander de se calmer dans sa chambre.
- Autre question qui revient régulièrement et qui agite le monde des pédiatres : faut-il expliquer pourquoi on dit non? expliquer ne veut pas dire négocier et selon les circonstances, le grand discours ne s'impose pas mais passé un certain âge (acquisition du langage) l'enfant est en capacité de comprendre. Le discours est souvent prononcé comme parole magique avec l'idée que cela va donner un "résultat", or l'enfant se construit jour après jour.
- L'enfant de 0 à 3 ans vit dans l'immédiateté, la spontanéité et le non d'aujourd'hui sera oublié demain (voire même quelques heures plus tard), le métier de parents consiste donc à répéter, répéter, répéter même si cela nous barbe.
- Quelles limites pour quel âge? l'intervenante insiste sur le décalage qu'il peut y avoir entre nos exigences et l'âge de l'enfant. Par exemple dire à un petit "va réflêchir tout seul à ce que tu viens de faire" lui parait totalement disproportionné.
- un enfant même s'il est indépendant sur certaines choses (manger, psychomotricité) a encore besoin énormément de ses parents dans lesquels il a une confiance absolue et ne pas lui donner de repères, de limites, d'interdits c'est le laisser tomber et créer chez lui un sentiment terrible d'insécurité.
Pour résumer, il ne s'agit donc pas d'interdire d'interdire mais de ne jamais oublier que l'enfant que l'on a en face de soi est une personne et non un objet avec sa sensibilité, sa personnalité.
J'aurais bien aimé que la question des punitions soit abordée mais il était déjà 22h30 et il était temps pour les jeunes papas et mamans de rejoindre leur maisonnée...